mardi 9 avril 2024
samedi 18 juin 2016
mercredi 8 juin 2016
Quand vient le moment de naître encore, roman de Michel-Constant, (suite 4)
Elle fait la chose avec précision. Ils se connaissent depuis toujours. Maintenant, les regards de Jacques et ses sourires ont changé. Ils sont concupiscents. Elle laisse faire, sans manière, pour qu'il se rende compte, pour qu'il bave d’envie et de désir. Elle a de l'admiration, parce qu'il satisfait une vieille maîtresse qui passe pour fort experte, une femme sympathique, et bien d'autres, que toutes sont heureuses et ne se tirent pas le chignon. Danielle désire bénéficier de tout cela, et par des exercices pratiques acquérir la même dextérité. Elle veut être le mâle. Il est le professeur choisi. Il devra faire l'éducation sentimentale et érotique de la beauté qu’il convoite. Il est dans la force de l'âge. Il est beau. Il ne passe pas pour brutal. Le charbon n'est pas un handicap. Il met la main aux sacs noirs, mais il se lave. Il gagne de l'argent et doit apporter, sinon le confort que Danielle ne lui demande pas, au moins les cadeaux nécessaires à la conquête d’une jeune fille pure. Danielle, d'entrée de jeu, ne veut rien donner. Elle se vend. Ce qu'elle va vendre est merveilleux. Elle est décidée à se négocier le plus cher possible, a en tirer le plus d'avantages. Il ne devra pas offrir que des cadeaux ou de l'argent. Il devra se livrer, être le prisonnier de l’amour. Il sera le cobaye de cette grande expérience.
Elle veut l'homme, mais aussi la passion. Une passion unilatérale. Celle de l'autre. Pour voir. Pour sentir. Pour réagir. Pour se défendre. Il l'aura, mais elle veut connaître, même avant d'avoir commencé, jusqu'où un homme, un vrai, adulé et conquérant, peut aller.
La réalité dépassa ses attentes. Elle en sut très vite plus que lui, sur elle et sur lui. Ce qui lui confirma que l'intelligence des êtres qu'avait Jacques était limitée. Elle gagna sur toute la ligne et le brisa.
Par habitude et convenance, il fit les premiers pas. Elle attendait. L'attaque pourtant était à la fois brutale et dérobée, en terrain neutre. Un terrain qu'il choisit, au kiosque à journaux, à la sortie du métro, rue de Bagnolet. Elle attendait, depuis un mois déjà, et chaque jour, se mettait en toilette. Pour lui. Il a parlé. Elle a répondu. Distante, mais théâtralement offerte. Il a parlé encore. Elle a écouté trois minutes, a souri, a traversé le boulevard, pour acheter du pain, chez le boulanger, où la femme de Jacques servait. La deuxième fois, il l'accoste au marché, le samedi matin suivant, devant l'étal du tripier.
« J'ai quelque chose pour toi. »
Il lui prend la main, la referme sur une petite boîte rose attachée d'un ruban d'or. C'est son premier cadeau. Un briquet, de marque inconnue, mais de marque. Il lui propose un rendez-vous dans un restaurant de la place de la Nation. Elle refuse. Il n'obtient qu'un banc public, sur la même place, à six heures du soir. Au bout de la sixième rencontre, après une bague, deux lithographies, une statuette, un vase chinois, une aquarelle, elle accepte le repas, l'alcool et le premier baiser. Elle avait su faire comprendre son goût nouveau pour les objets. Elle se décide à accepter un week-end, avec promesse de sagesse. Elle se donne, parce qu'elle lui fait croire qu'elle est ivre, dans une auberge de Chantilly. Il la trouve pucelle, croît défaillir de joie, oublie toutes ses ficelles de séducteur averti et lui offre, parce qu'elle venait, aussi, de passer son permis de conduire, une petite voiture italienne d'occasion. Il découvre, presque tout seul, que pour la conquérir, il faut de l'art, du luxe, et du Champagne. Il a le sentiment de faire un saut qualitatif. Il croit posséder un bijou de grand prix.
Danielle se plongea dans ses études pratiques. Elle apprécia les talents de l'homme. Elle se donna totalement et de bon cœur, sans arrière-pensée, et sans réflexion sur l'avenir. Il découvrait l'amour, elle apprenait le corps et la sexualité. Elle jouissait, sans complexe et sans retenue, passive et active. Elle goûtait à tout. Elle cherchait ce qui plaît le plus à l'homme, posait des questions, n'attendait plus ses initiatives mais en prenait, pour sentir et voir. Elle jouait. Elle parlait, elle criait. Elle était douce, stylée ou grossière. Lui, n'en pouvait plus d'amour. Il lui aurait donné la terre entière. Elle se meublait, avec goût. Pour elle, il faisait les bijoutiers, les meilleurs traiteurs, les antiquaires. Acheter cher et beau lui donnait des érections. Dans les magasins, en cachette ou par surprise, elle se frottait ou le touchait, « pour voir » riait-elle. Ces gamineries les enchantaient. Il y gagnait en compétence, en culture et valeur. Il lui offrit une copie d'un bronze de Bourdelle. Elle n'avait pas de scrupules, car elle savait aussi qu'il était assez malin pour toujours marchander, avoir des prix, visiter les receleurs.
Six mois s'écoulèrent. Consciente de sa force, remise de ses découvertes érotiques, qui l'avaient ébranlée, elle passa, toujours pour améliorer ses connaissances, à d'autres expérimentations. La première, banale, mais qui pour elle avait beaucoup d'importance a été de se forcer à ne pas jouir mais à le faire croire. L'homme s'y laissa naturellement prendre et elle put, alors, tout à loisir, le diriger, le guider, dans le temps et l'espace, le mener au paroxysme, à l'éclatement le plus total, quand elle le souhaitait. Il l'aima et la désira encore plus. Elle commença à avoir un peu de pitié. Le combat suivant fut psychologique. Lentement elle fit à son amant quelques remarques ironiques sur son comportement de coureur de jupons, sur ses vieilles habitudes, sur sa dépendance.
« Tu as une belle femme, une extraordinaire maîtresse, de beaux coups à droite et à gauche, et tu continues à rendre visite au vieux pot de Marie. Tu fais assistante sociale, mon amour chéri. »
Il se défend en accusé.
« Avec Marie, il y a longtemps que nous n'avons plus d'histoires de cul.
— Pour la Marie, je te crois, vu sa tête et son âge. Mais tu ne peux plus rester avec ta femme, lui consacrer tous tes week-ends, toutes tes nuits, pendant que moi, je suis seule et je m'ennuie. Il faut choisir. Moi, je t'aime.
— J'ai choisi.
— Prouve-le, mon amour. Je suis très patiente et amoureuse, tu le sais. Il faut que tu te décides. »
Les désirs étant clairs, Danielle se doit d'aider Jacques dans sa quête de liberté. Elle a ainsi une stratégie et des tactiques à développer.
1. Le faire rompre de la Marie, brutalement et définitivement, pour le maîtriser,
2. Rendre impossible la situation de la femme de Jacques, ridiculiser l'épouse, pour qu'elle le vire,
3. Enfin, le laisser tomber, après avoir analysé et enregistrer scientifiquement les réactions de l'homme.
Le film se déroule comme l'a prévu le metteur en scène. Danielle va chercher Jacques, un soir, dans le bistro. Elle fait une tragédie, qui insulte à la fois l'amant présumé et la Marie. Elle crie, devant les clients, qu'elle comprend pourquoi il devient impuissant. Les clients, qui bandent chaque fois qu'ils regardent ma sœur, s’amusent beaucoup et savent qu'une telle mésaventure ne leur arriverait pas. Elle a un comportement volontairement ridicule de maîtresse jalouse, idiote et insatisfaite, mais payant. Jacques la suit comme un petit chien, quand elle quitte le bar. Il passe la nuit avec elle, et fait tout pour lui démontrer qu'il est un mâle hors pair.
L'attitude de Danielle a fait comprendre à Jacques ce qu'il devait faire. Il va divorcer, mais à son avantage, car il ne sait encore que gagner. Il ne peut supporter l'idée de verser une pension alimentaire à Francette, sa femme. Il le tolère pour les enfants, mais avec des regrets. Ces conditions le mettent dans un grand embarras. Elles lui font reporter chaque fois sa décision. Il manque aussi de courage pour annoncer la rupture. Il n'ose pas, non plus, demander des délais à Danielle qui le harcèle avec une douce ironie, beaucoup de sourires et des caresses. Il en perd la tête. Francette, qui n'est pas née de la dernière pluie, a depuis longtemps compris. Elle suit les conseils d'un avocat. La première décision qu'il lui fait prendre est d'arrêter ses remplacements à la boulangerie et de se consacrer entièrement et complètement à l'éducation de ses enfants. Il lui a dit d'attendre et de voir venir, d'accumuler les preuves, d'avoir un comportement calme et digne.
Danielle va dans le même sens : le condamner à divorcer. S'il a tout a sa charge, c'est parfait. Son sacrifice en est d'autant plus grand et son amour d'autant plus fort. Plus on donne, plus on attend recevoir. Elle s'affiche avec Jacques, se fait baiser les fenêtres ouvertes. Elle crie son nom. Elle l'embrasse en pleine rue, le raccompagne chez lui. Au début, il n'était pas tranquille, mais l'absence de remarques et le comportement habituel de Francette l'enhardit. L'avocat fait faire de beaux clichés suffisamment probants, fait rédiger de grands rapports très explicites, recueille de parfaits témoignages et pour couronner le tout fait dresser, par un huissier de justice un constat d'adultère. Francette demande le divorce et la séparation de corps, une pension alimentaire provisoire importante, pour elle, justifiée par son train de vie et les revenus de Jacques, et pour les enfants. Elle garde l'appartement et Jacques se retrouve à la rue. Il loue un studio, rue de Bagnolet.
Elle veut l'homme, mais aussi la passion. Une passion unilatérale. Celle de l'autre. Pour voir. Pour sentir. Pour réagir. Pour se défendre. Il l'aura, mais elle veut connaître, même avant d'avoir commencé, jusqu'où un homme, un vrai, adulé et conquérant, peut aller.
La réalité dépassa ses attentes. Elle en sut très vite plus que lui, sur elle et sur lui. Ce qui lui confirma que l'intelligence des êtres qu'avait Jacques était limitée. Elle gagna sur toute la ligne et le brisa.
Par habitude et convenance, il fit les premiers pas. Elle attendait. L'attaque pourtant était à la fois brutale et dérobée, en terrain neutre. Un terrain qu'il choisit, au kiosque à journaux, à la sortie du métro, rue de Bagnolet. Elle attendait, depuis un mois déjà, et chaque jour, se mettait en toilette. Pour lui. Il a parlé. Elle a répondu. Distante, mais théâtralement offerte. Il a parlé encore. Elle a écouté trois minutes, a souri, a traversé le boulevard, pour acheter du pain, chez le boulanger, où la femme de Jacques servait. La deuxième fois, il l'accoste au marché, le samedi matin suivant, devant l'étal du tripier.
« J'ai quelque chose pour toi. »
Il lui prend la main, la referme sur une petite boîte rose attachée d'un ruban d'or. C'est son premier cadeau. Un briquet, de marque inconnue, mais de marque. Il lui propose un rendez-vous dans un restaurant de la place de la Nation. Elle refuse. Il n'obtient qu'un banc public, sur la même place, à six heures du soir. Au bout de la sixième rencontre, après une bague, deux lithographies, une statuette, un vase chinois, une aquarelle, elle accepte le repas, l'alcool et le premier baiser. Elle avait su faire comprendre son goût nouveau pour les objets. Elle se décide à accepter un week-end, avec promesse de sagesse. Elle se donne, parce qu'elle lui fait croire qu'elle est ivre, dans une auberge de Chantilly. Il la trouve pucelle, croît défaillir de joie, oublie toutes ses ficelles de séducteur averti et lui offre, parce qu'elle venait, aussi, de passer son permis de conduire, une petite voiture italienne d'occasion. Il découvre, presque tout seul, que pour la conquérir, il faut de l'art, du luxe, et du Champagne. Il a le sentiment de faire un saut qualitatif. Il croit posséder un bijou de grand prix.
Danielle se plongea dans ses études pratiques. Elle apprécia les talents de l'homme. Elle se donna totalement et de bon cœur, sans arrière-pensée, et sans réflexion sur l'avenir. Il découvrait l'amour, elle apprenait le corps et la sexualité. Elle jouissait, sans complexe et sans retenue, passive et active. Elle goûtait à tout. Elle cherchait ce qui plaît le plus à l'homme, posait des questions, n'attendait plus ses initiatives mais en prenait, pour sentir et voir. Elle jouait. Elle parlait, elle criait. Elle était douce, stylée ou grossière. Lui, n'en pouvait plus d'amour. Il lui aurait donné la terre entière. Elle se meublait, avec goût. Pour elle, il faisait les bijoutiers, les meilleurs traiteurs, les antiquaires. Acheter cher et beau lui donnait des érections. Dans les magasins, en cachette ou par surprise, elle se frottait ou le touchait, « pour voir » riait-elle. Ces gamineries les enchantaient. Il y gagnait en compétence, en culture et valeur. Il lui offrit une copie d'un bronze de Bourdelle. Elle n'avait pas de scrupules, car elle savait aussi qu'il était assez malin pour toujours marchander, avoir des prix, visiter les receleurs.
Six mois s'écoulèrent. Consciente de sa force, remise de ses découvertes érotiques, qui l'avaient ébranlée, elle passa, toujours pour améliorer ses connaissances, à d'autres expérimentations. La première, banale, mais qui pour elle avait beaucoup d'importance a été de se forcer à ne pas jouir mais à le faire croire. L'homme s'y laissa naturellement prendre et elle put, alors, tout à loisir, le diriger, le guider, dans le temps et l'espace, le mener au paroxysme, à l'éclatement le plus total, quand elle le souhaitait. Il l'aima et la désira encore plus. Elle commença à avoir un peu de pitié. Le combat suivant fut psychologique. Lentement elle fit à son amant quelques remarques ironiques sur son comportement de coureur de jupons, sur ses vieilles habitudes, sur sa dépendance.
« Tu as une belle femme, une extraordinaire maîtresse, de beaux coups à droite et à gauche, et tu continues à rendre visite au vieux pot de Marie. Tu fais assistante sociale, mon amour chéri. »
Il se défend en accusé.
« Avec Marie, il y a longtemps que nous n'avons plus d'histoires de cul.
— Pour la Marie, je te crois, vu sa tête et son âge. Mais tu ne peux plus rester avec ta femme, lui consacrer tous tes week-ends, toutes tes nuits, pendant que moi, je suis seule et je m'ennuie. Il faut choisir. Moi, je t'aime.
— J'ai choisi.
— Prouve-le, mon amour. Je suis très patiente et amoureuse, tu le sais. Il faut que tu te décides. »
Les désirs étant clairs, Danielle se doit d'aider Jacques dans sa quête de liberté. Elle a ainsi une stratégie et des tactiques à développer.
1. Le faire rompre de la Marie, brutalement et définitivement, pour le maîtriser,
2. Rendre impossible la situation de la femme de Jacques, ridiculiser l'épouse, pour qu'elle le vire,
3. Enfin, le laisser tomber, après avoir analysé et enregistrer scientifiquement les réactions de l'homme.
Le film se déroule comme l'a prévu le metteur en scène. Danielle va chercher Jacques, un soir, dans le bistro. Elle fait une tragédie, qui insulte à la fois l'amant présumé et la Marie. Elle crie, devant les clients, qu'elle comprend pourquoi il devient impuissant. Les clients, qui bandent chaque fois qu'ils regardent ma sœur, s’amusent beaucoup et savent qu'une telle mésaventure ne leur arriverait pas. Elle a un comportement volontairement ridicule de maîtresse jalouse, idiote et insatisfaite, mais payant. Jacques la suit comme un petit chien, quand elle quitte le bar. Il passe la nuit avec elle, et fait tout pour lui démontrer qu'il est un mâle hors pair.
L'attitude de Danielle a fait comprendre à Jacques ce qu'il devait faire. Il va divorcer, mais à son avantage, car il ne sait encore que gagner. Il ne peut supporter l'idée de verser une pension alimentaire à Francette, sa femme. Il le tolère pour les enfants, mais avec des regrets. Ces conditions le mettent dans un grand embarras. Elles lui font reporter chaque fois sa décision. Il manque aussi de courage pour annoncer la rupture. Il n'ose pas, non plus, demander des délais à Danielle qui le harcèle avec une douce ironie, beaucoup de sourires et des caresses. Il en perd la tête. Francette, qui n'est pas née de la dernière pluie, a depuis longtemps compris. Elle suit les conseils d'un avocat. La première décision qu'il lui fait prendre est d'arrêter ses remplacements à la boulangerie et de se consacrer entièrement et complètement à l'éducation de ses enfants. Il lui a dit d'attendre et de voir venir, d'accumuler les preuves, d'avoir un comportement calme et digne.
Danielle va dans le même sens : le condamner à divorcer. S'il a tout a sa charge, c'est parfait. Son sacrifice en est d'autant plus grand et son amour d'autant plus fort. Plus on donne, plus on attend recevoir. Elle s'affiche avec Jacques, se fait baiser les fenêtres ouvertes. Elle crie son nom. Elle l'embrasse en pleine rue, le raccompagne chez lui. Au début, il n'était pas tranquille, mais l'absence de remarques et le comportement habituel de Francette l'enhardit. L'avocat fait faire de beaux clichés suffisamment probants, fait rédiger de grands rapports très explicites, recueille de parfaits témoignages et pour couronner le tout fait dresser, par un huissier de justice un constat d'adultère. Francette demande le divorce et la séparation de corps, une pension alimentaire provisoire importante, pour elle, justifiée par son train de vie et les revenus de Jacques, et pour les enfants. Elle garde l'appartement et Jacques se retrouve à la rue. Il loue un studio, rue de Bagnolet.
samedi 12 juillet 2014
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